J’arrête un taxi au hasard. Une Ford des années soixante-dix. Le vieux chauffeur est une relique. Décidément, ces années-là ne lâcheront pas ma mémoire. Emmenez-moi à Broumana s’il vous plaît. Par la nouvelle route. Connaissez-vous la nouvelle route ? Il ne répond pas. Il roule de Beyrouth ouest vers Achrafié, bifurque à droite. En effet, il ne semble pas la connaître. Embouteillage. Je dis : Comme si vous alliez à Jbeil. Il y a une nouvelle autoroute. Il dit : Oh mais je n’aurais jamais dû venir par là ! Ya bayé ya bayé ya bayé ! (Mon père mon père mon père ! ) Non, il aurait suffi de prendre la route du nouveau Centre-ville. Ya bayé, ya bayé ! bref, il rectifie son trajet. Il roule. Passez par le grand arbre. C’est le point de repère de ma mère.Vous voulez dire le bureau des Kataëb ? Si vous voulez. Il roule. Il doit s’arrêter pour faire le plein d’essence. Il ne pensait pas faire un si long trajet (vingt minutes), habitué à rouler uniquement sur Hamra- un pâté de maisons- Roulez jusqu’au McDo puis tournez à droite à l’indication Joura-Broumana. Enfin il découvre la belle grande autoroute. Le vieux monsieur se transforme en James Bond. Il bombe le torse et appuie sur l’accélérateur. Pas d’embouteillage, il est heureux. Grimpe les collines, les virages sont de plus en plus raides. Il rejoint l’ancienne route, les rues deviennent étroites. Appréhendant à chaque virage une voiture en sens inverse. Le lieu où habitent mes parents est bien niché, la vieille Ford doit redescendre dans une vallée. Ya bayé ya bayé ! Je retiens mon fou rire ! Quand je lui paie le trajet, il m’offre son sourire édenté. Je m’appelle Riyad. Merci Riyad. Bon retour. Allez-vous savoir retrouver le chemin ? Vous pouvez reprendre l’ancienne route si vous voulez. En remontant vers la rue principale.
Ishtar rassemble ses coups de coeur, qu'ils soient littéraires, cinématographiques ou artistiques pour les partager avec vous.
jeudi 26 juillet 2012
mardi 24 juillet 2012
Kaakaya
Tous les matins, nous nous retrouvons pour le petit déjeuner arabe. Libanais, labné, ou foul ! Le serveur est heureux de nous voir arriver, l’une après l’autre, au rythme de nos réveils. Beau sourire. Je saurai plus tard qu’il est syrien. Il demande nos noms. Jusqu’à quand va-t-on exhiber nos identités à chaque nouvelle rencontre ? Je dis le mien. Je lui confie aussi que j’avais une grand-mère paternelle de Homs. Et vos autres grands-parents ?
Il mentionne des L. de Rachaya. Ah oui, il s’agit bien de ma branche maternelle. Qu’il est lourd cet arbre avec ses fruits pesants ! Et mon grand-père paternel vient de Zahlé, la vallée de la Békaa. Mais oui, il y a des L. qui sont partis au Brésil ! Aie ! oui en effet, les frères de mon grand-père. Ça y est, je suis faite ! il va me caser. Il a reconnu d’où je viens, et me voilà admise dans le clan ! Quand sortirons-nous de cet esprit clanique ! je pense à mes beaux-parents québécois. Ils me reçurent à leur table, me nourrirent sans me demander mon origine, ni mon identité. Me voilà servie pour un bon petit déjeuner.
mardi 17 juillet 2012
Évelyne Wilwerth, 22 astuces pour une vie plus magique
Évelyne Wilwerth |
textes en prose. "Un traité du bonheur léger" digne des philosophes tels Sénèque ou Clarice Lispector qui écrivait ses chroniques dans les journaux brésiliens. La magie ? sortie du chapeau d'Alice avec son lapin. Là réside l'improvisation, la mise à nu devant le miroir, sans complaisance, un face à face avec soi dans "le détachement, la dignité et l'autodérision". Extraire la joie du quotidien : "Casser joyeusement pour reconstruire", "offrir une majuscule au mot quotidien".
Creuser en soi "comme un champ de fouilles à l'infini qui se dévoile lentement". Se connaître pour aimer l'autre :"j'ai peu à peu appris à aimer l'autre, à respecter sa respiration, sa liberté".Solitude, peurs, dépassement de soi, exploration de son corps et élévation vers une transcendance. Évelyne scrute le réel de nos vies avec une loupe et avec affection, humour et un brin de malice.
Écrivaine belge, Évelyne Wilwerth est l'auteure de romans, de nouvelles, d' essais, de contes pour enfants, de poèmes... et de pièces de théâtre dont une surprenante Souriez, vous vieillissez(Memory Press, Erezée, 2007) Traduite en anglais par Christine Tipper, aux éditions Guernica, Toronto.
22 astuces pour une vie plus magique, par Évelyne Wilwerth, Maelström, Compact, 2011 Smile ! You're Getting Old, by Evelyne Wilwerth, translated by Christine Tipper, Guernica, 2012
mardi 3 juillet 2012
Épisode du kiosque à journaux de la rue Hamra
Kiosque rue Hamra (Beyrouth) |
Je me rends vers le kiosque à journaux pour acheter L’Orient-le jour. Le vieux monsieur somnole. Je le réveille. Je trouve L’Express sur les Salafistes en Tunisie, pas d’Orient-Le jour. « il
est épuisé » me dit le Monsieur aux petits yeux usés par la lecture. Pas
grave, j’ai besoin de monnaie, je lui tends mon billet de 50 000 livres. Il
lève les yeux : Tu veux l’Orient ? Oui, s’il vous plaît. Alors
événement théâtral : il sort de son kiosque, traverse la petite rue Hamra
en se dandinant, sûr de lui, vers la Librairie d’Orient. Il s’absente un certain
temps. Puis revient, redandine vers son kiosque en slalomant à travers les
autos comme il l’a toujours fait et pénètre dans sa petite roulotte de journaux. Victorieux, il
me tend le journal.
AUB (Université Américaine de Beyrouth) entrée prncipale |
Je me prépare à partir en le remerciant. Il me
dit : il manque quelques livres, il sort 3 000 livres. Je lui souris et me
retire, avec le flot de souvenirs du quartier de mon enfance des
années soixante-dix.
dimanche 1 juillet 2012
Retour aux urnes
Alors que les Grecs retournent aux urnes pour élire leur président
Je me prends à penser aux urnes de l'Antiquité.
Aux jarres où l'on enterrait les morts.
Je ne peux m'empêcher de penser
Que nous avons aujourd'hui effectué un retour à l'usage des urnes.
Palais de Knossos- Crète |
Ne préviligions-nous pas de plus en plus l'incinération à la mise en terre ?
Nous réservons les cendres dans des vases, nommés urnes qui sont souvent d'inspiration grecque.
Salut de Crète |
La Grèce reste notre source d'instiration en Occident. Je pourrais dire la même chose de la Phénicie. Les Phéniciens avaient recours aux mêmes rites d'enterrement. Je retrouve les ténèbres de la jarre... éternelle histoire. (Entre les fleuves)
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