Ishtar rassemble ses coups de coeur, qu'ils soient littéraires, cinématographiques ou artistiques pour les partager avec vous.
mercredi 31 octobre 2018
vendredi 19 octobre 2018
Animalis de Claire Varin
Il y a des livres qui transforment le regard humain sur les
bêtes. C’est à Banff Centre, lors d’un séjour d’écriture, que l’auteure Claire
Varin ira chercher à apprivoiser l’écriture « animale ». L’autre bête
qui dort en elle. En l’occurrence, l’écriture anglaise. Se réconciliera avec
les guerres de ses ancêtres. S’approchera au plus près de la voix et de la voie
animale. Le grognement de l’ours ou du loup (son « duende » intime). Animalis est un essai sous forme de
récit autobiographique. Les épisodes où elle décrit son père en train de
chasser un rat ou les passages où elle subit des rituels vaudous au Brésil,
d’une prose précise et juste, révèlent
les premières prises de conscience vers la voie végane que prendra l’auteure.
Avec elle, tout le long du livre, on voyage dans les parcs nationaux du Canada
pour aller à la rencontre de la faune sauvage. On assiste à l’horreur de la
maltraitance animale, autant qu’à la naissance de la vie, d’un éléphanteau, qui
ne se fait pas sans la frayeur de sa mère qui craint ne pas le voir respirer.
On est témoin de la torture et du sadisme de l’homme pour dominer la nature. Le
chemin est long avant l’abolition des élevages industriels. L’animal est l’égal
de l’homme pour Claire Varin. Il n’est pas acceptable qu’il soit hiérarchiquement
inférieur. Elle se porte à leur défense et pour la libération des animaux de
leur servage. Cela nous pousse à réfléchir comment pour humilier les Noirs, par
exemple, on les compare, ou on les traite, en animaux. Avec elle, on ira à la rencontre des vaches,
des chiens « voyants et sourciers », des renards, des dauphins, des
lions, et des grizzlis… C’est quand Claire raconte ses récits intimes, la mort
de ses chats ou sa réflexion sur la vie animale, que nous sommes touchés par
l’aspect littéraire du récit. Les bêtes ont un nom, et donc une identité,
Frimousse, Chico… « Aimez-moi » semble implorer le chat … « à
qui raconter ça ? » continue la narratrice. C’est l’essence de l’ouvrage.
Qui va recevoir sa complainte ? Il est difficile, encore aujourd’hui de
convaincre les gens et leur dire que les animaux nous parlent sans se faire
traiter de folles, de sorcières, et pourtant c’est de la clairvoyance. Claire
est une voyante des temps modernes. Après avoir fermé le livre, on ne regarde
plus la vie animale, végétale, que dis-je, la vie tout simplement, de la même
manière.
Animalis de Claire
Varin, Leméac, 2018.
dimanche 7 octobre 2018
Le Livre d'image de JLG
Le Livre d'image de Jean-Luc Godard. Une fresque testamentaire qui mêle autobiographie et histoire du cinéma. Un maelström poétique d'images entrecoupées d'explosions qui imposent le silence. C'est exactement cela que nous vivions pendant la guerre. Une explosion qui arrête brutalement tout discours. (Je réfléchis encore combien la douleur de Godard envers l'injustice rendue au monde arabe est vive dans son film). Et la parole reprend : la voix de JLG, fatiguée. Film théorique. C'est son Théorema. Un hommage au cinéma de Dziga Vertov. Une leçon de montage. Et surtout une forte dénonciation de l'Occident." Sous le regard de l'occident" vient ponctuer la toile. Parce que c'est une peinture dénonciatrice qui prend des tons bibliques : le Livre. C'est le livre des trois grandes religions aux mains tachées de sang. Chaque images, ou segment de film, est chargé de sens et renvoie, fait écho, dans l'esprit du spectateur à de multiples autres
références, et cela à l'infini. Si infini il y a. Le livre c'est l'Esprit des lois de Montesquieu, c'est l'esprit d'une image, ou bien encore l'âme d'une image. Une réflexion sur la mort, Le mouvement et l'absence de mouvement. Une théorisation extrême, une poétisation extrême, barthésienne. Une abstraction. Loin de toute fiction. Un documentaire extrême.
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