vendredi 16 juin 2023

Rien de mon errance - Recension par Élise Lepage


Rien de mon errance, livre dans lequel Nadine Ltaif met en scène la figure d'exilés du pourtour méditerranéen, qu'il s'agisse cette fois-ci d'Ovide, de Dante, ou du " rire étouffé des enfants / avalés par des mers affamées ". Quelque part dans Montréal, " un mendiant est trouvé mort de froid ". Ses poches sont bourrées de pages froissées de manuscrits. La voix du narrateur s'emploie alors à déchiffrer cette " Ballade du mendiant ", errance à travers les pays et les âges. " Byzance n'est plus Venise s'est enrichie depuis Byzance n'était déjà plus quand Venise s'était enrichie " : derrière triomphe et décadence des empires,
Nadine Ltaif se concentre sur des voix individuelles
et universelles à la fois
" Je suis assis sur les marches d'une petite église. / J'ai quitté mon foyer. / J'ai erré dans les villes médiévales. / J'ai pour bagages des sacs de recyclage remplis de carnets de notes / de toute les couleurs. [...] / J'ai traversé les villes, les villages et j'ai traversé les siècles. " Constantinople, l'Adriatique, Tomes, " une Turquie ottomane ", Venise : tous ces noms font lever un imaginaire tout en contraste aux confins de l'Europe et du Proche-Orient ;
cet imaginaire évoque tout à la fois le magnétisme de l'ailleurs, les arts et sciences de civilisations exceptionnelles, mais aussi une histoire violente de guerres et de conquêtes,
et au présent " la longue histoire / de la migration des peuples " que constituent les colonnes de migrants aux frontières et ces navires surchargés de vies qui rêvent de terres promises à prix fort. " Les cris de l'enfer / ne sont pas ceux de l'au-delà, mais bien ceux d'ici-bas. "
En entrechoquant ces deux visions des cultures méditerranéennes, Ltaif conjugue avec justesse et sensibilité culture et barbarie, grandeurs et horreurs de l'humanité
" la victoire des forces occidentales menées par Venise contre les Turcs / Venise règne sur l'Adriatique / la peste frappe Venise un million de victimes / Et le peintre Le Titien. " Ces assemblages de mots, d'images expriment parfaitement ces aléas. En trouvant un équilibre qui lui permet d'échapper tant au misérabilisme qu'à un esthétisme qui serait aveugle aux réalités, la poète touche par la voix de son narrateur et les mots du mendiant : " La rue est ma prison et / mon espace de liberté [...] / Homeless je reste / dans l'extrême liberté / dans le dénuement / d'une branche en / hiver. " Il reste des secrets lorsqu'on referme ce livre, ceux que n'aura pas révélés " la boîte de nacre incrustée de Damas ", enterrée par le mendiant - très belle métaphore du livre de poèmes qui s'ouvre et confie ses " feuillets remplis / de sable / et d'encre noire ", mais ne livre pas toutes les clés.
Rien de mon errance est un magnifique et touchant recueil qui cultive juste ce qu'il faut de distance et de silence.

Elise Lepage, Rien de mon errance, éditions du Noroît, 2019.
Département d'études françaises
Université de Waterloo





 

samedi 25 février 2023

Vient de paraître en traduction arabe





Rula a fait un choix de poèmes parmi mes recueils 
 parus durant les vingt dernières années aux éditions Le Noroit. Il sont extraits des Métamorphoses d'Ishtar(1987), Entre les fleuves (1991), Ce que vous ne lirez pas (2010) et Hamra comme par hasard (2014). Ils représentent les différentes étapes de sa trajectoire poétique : les relations Orient-Occident, et l'exil du point de vue d'une femme qui a quitté le Liban durant la guerre civile et qui a trouvé un espace de paix et d'espoir au Canada (Québec). 

Elle a intitulé le livre « Kay tadom-el-bahr » « Pour enlacer la mer ». Merci à la charmante éditrice Hanady Shamout et les éditions Dar Abaad. Grande joie d’avoir vécu ce moment à Hamra, quartier de mon enfance à Beyrouth. 

Le livre est dédié à Lama Peyroles et Joëlle Arcache mes amies d’enfance.

Pour vous procurer le livre :
Version papier :

Version numérique :



Nadine Ltaif poète

Rula Jurdi traductrice du livre 


Rula Jurdi est professeure d'histoire islamique à l'Université McGill à Montréal. Ses publications portent sur l'histoire intellectuelle et socio-politique des sociétés Chiites, incluant des articles, des entrées encyclopédiques et deux livres, le dernier étant écrit en collaboration avec Malek Abisaab. Elle a publié un certain nombre de poèmes dans les journaux libanais, américains et iraquiens. Elle a traduit des poèmes arabe en anglais, incluant ceux de Khalil Hawi, Mahmoud Darwish et Talal Haydar. Son roman Al-Khathâfa (La densité) est publié chez Nelson éditeur (Beyrouth et Suède). Le roman tisse trois histoires de la guerre civile libanaise marquées par le déplacement, l'amour inassouvi et le dérisoire. Son recueil de poésie, Ghilaf al-Qalb (La Peau du Coeur) est publié en 2013 chez le même éditeur. Le deuxième recueil de poésie, Ka-Layla aw Ka-l’Mudun al-Khamsa (Comme Layla ou Comme les Cinq Villes) est publié en 2015 chez al-Farabi, Beyrouth. Elle a participé à de nombreux forums littéraires et culturels aux États-Unis et au Canada comme "Al-Andalus, mémoire de la Poésie arabe", à l'Université Yale (1991), la Littérature dans la Traduction et l'Histoire au Collège Skidmore (1996) et "La liberté de créer", par le Cénacle culturel Liban-Québec à Montréal (2013).
 




Chant des créatures de Nadine Ltaif

CHANT DES CRÉATURES, le nouveau recueil de NADINE LTAIF sort en librairie aujourd’hui mardi, le 6 février 2024. « Pour écrire un seul vers, ...