J'ai lu deux livres de Imane Humaydane traduits de l'arabe: Mûriers sauvages et D'autres vies.
Dans ses deux livres, Imane Hymaydane dénonce la condition de la femme
arabe. Dans Mûriers sauvages, Sara, l'enfant qui ne parle pas. Née
dans l'univers machiste des hommes, d'un père dont elle craint la colère, la
jeune fille observe, regarde, rarement prend la parole, dans le village druze
aux coutumes très bien décrites.
Un monde aux mentalités inchangées qui vit au cycle des saisons, dans le domaine des vers à soie du
grand-père. Les Druzes ont un secret bien caché dans leur Livre de Sagesse
enfermé à double tour dans un placard, la clé enfouie entre les seins de la
tante de Sara. Les Druzes croient en la métempsycose , ils ne croient pas à
l'enfer, "vous disparaissez dans l'au-delà pour revenir presque aussitôt
ici-bas". Un livre réservé aux initiés.
C'est ainsi que la narratrice D'autres vies revient au Liban, le lieu de
sa naissance, comme un retour sur terre. Tous les expatriés ressentent cette
sensation un jour ou un autre, avant qu'un autre lieu d'appartenance naisse en
eux. Quand un autre espace fera "sens pour eux.
Dans D'autres vies, le récit se déroule dans trois pays. Au Kenya , en
Australie et au Liban. À Beyrouth où la narratrice retourne sans pouvoir
déterminer si elle pourra y rester ou repartir.
Beyrouth, la ville éraflée, aux cicatrices encore prêtes à se rouvrir pour
laisser couler les épreuves du passé. Comme beaucoup d'autre expatriés, Myriam
peine à croire que la guerre est finie et qu'il n'y aura plus ni peur, ni
barricades. Le plus douloureux est l'absence des disparus, "pas morts, pas
en vie, entre deux demeures". Un peu comme Myriam qui ne sait plus
quel lieu "fait sens pour elle" . Est-ce son instabilité qui cause
son angoisse ou est-ce dû à la guerre ? A-t-elle le droit de se souvenir, elle
qui est partie et qui ne l'a pas vécue ? Elle se remémore le passé, alors que
ceux qui sont restés ont réussi à l’oublier. Elle aspire à une vie qui
recommence à zéro pour pouvoir admirer un "soleil qui ne lui rappelle
aucun hier, aucune guerre". Elle est elle-même une absente, une disparue,
qui réapparait tel un fantôme.
Elle cherche à travers ses nombreux amants le plaisir du retour à la vie. La narratrice parie
sur l'amour et échoue. Entre Chris, l'Occidental, et elle, deux mondes
étanches. Est-ce la langue qu'elle ne partage pas pleinement avec lui, qui crée
ce gouffre ? Et Nour, le Libanais intellectuel qui lui inspire une passion
dévorante ? Pourra-t-elle le retenir ?
Trouver un sens à l'existence, telle est la quête de Myriam, malade du
souvenir de la guerre. Elle réussit à s'en affranchir par le rire, le jeu, ou
en chantant les chansons d’Asmahan. Le nom de la chanteuse Asmahan que sa mère
n'avait pas réussi à lui donner à sa naissance. Une mère muette, car incapable
de mentir, elle avait choisi le silence.
"Il est difficile de croire en un dieu qui ne danse pas" écrit la
narratrice en citant Nietzsche.
Si les personnages des romans de Imane Humaydane choisissent de se taire,
l'écrivaine, elle, choisit l’écriture pour donner une voix à leur existence et
leurs histoires.
Imane Humaydane, Mûriers sauvages, Paris, Verticales, 2007
traduit de l'arabe (Liban) par Valérie Creusot
Imane Humaydane, D'autres vies, Paris, Verticales, 2012
traduit de l'arabe (Liban) par Nathalie Bontemps
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire