vendredi 21 mars 2014

Peter Doig, Pour qui sommes-nous étranger ?



Nulle terre étrangère. Peter Doig
Musée des Beaux-Arts de Montréal, jusqu'au 4 mai 2014

Pour qui sommes-nous étranger ?


Dès le départ nous sommes immergés dans une terre inconnue. Peter Doig n'est pas tout à fait étranger à la terre qui l'a vu naitre. Il faudrait mieux dire, la terre ne lui est pas étrangère. Ainsi comprend-on le titre de l'expo.
En effet, quand on étudie sa chronologie, on constate qu' il est né à Edimbourg, a voyagé avec ses parents à Trinidad à l'âge d'un an. Les premières images de Trinidad sont restées imprégnées dans son inconscient.
L'aspect onirique est très fort dans ses tableaux. On rentre dans ses toiles comme dans un demi-rêve.

Peter Doig peint des immenses toiles hors du temps. Souvent à partir de photos. 
Les personnages toujours immergés dans l'eau. Comme si l'eau avait effacé leur visage ou leur corps.

On le compare à Mark Rothko, l'expressionniste abstrait américain.

.Il peint des moments, comme des photographies 


Par exemple, une personne de dos qui longue le mur d'un cimetière. Tenant une ombrelle rose. Il peint le mouvement.

Le noir et le rose , présents dans ses toiles. La perspective interiorisée. Davantage de mer que de ciel évoque une densité dans la contemplation.




Dans la dernière salle, les affiches du Ciné-Club Studiofilm Club. Il fait les affiches des films qu'il projette dans le ciné-répertoire qu'il a tenu à Trinidad en collaboration avec Che Lovelace, des affiches très subjectives : Pierrot Le Fou - Nights of Casablanca- Le Mépris-Some Like It Hot- Pépé le Moko- Black Orpheus. Il les interprète en interpellant ses propres peintures. Y insère un canoë...
Il se donne des libertés subversives : une Catherine Deneuve noire dans Belle de jour.

Le "Studio Film Club" est un club de cinéma non-commercial organisé par Peter Doig et l'artiste Che Lovelace à Port of Spain, Trinidad, où l'artiste a vécu avec sa famille depuis 2002.


Il me vient à la mémoire le poème de Prévert Étranges étrangers

Esclaves noirs de Fréjus
tiraillés et parqués
au bord d’une petite mer
où peu vous vous baignez

Esclaves noirs de Fréjus
qui évoquez chaque soir
dans les locaux disciplinaires
avec une vieille boîte à cigares
et quelques bouts de fil de fer
tous les échos de vos villages
tous les oiseaux de vos forêts
et ne venez dans la capitale
que pour fêter au pas cadencé
la prise de la Bastille le quatorze juillet

Enfants du Sénégal 
dépatriés expatriés et naturalisés 

Étranges étrangers
Vous êtes de la ville
vous êtes de sa vie
même si mal en vivez
même si vous en mourez

Jacques PRÉVERT   Grand bal du printemps 
(La Guilde du Livre,1951 ; Éditions Gallimard,1976 )                                     

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