J'ai rarement lu des recueils récents qui ont cette force et cette créativité. Ce qui
frappe en lisant les premiers vers du recueil Ciel de nuit blessé par balles c’est le rythme. Et le
rythme crée une langue, crée un nouveau poète : Ocean Vuong.
D’où lui
vient ce rythme étrange ? Est-ce un paysage vietnamien ? Ou bien est-ce la
langue vietnamienne qui se mue en anglais puis dans la traduction française ? Le
recueil est déjà traduit en dix langues. J’ai entre les mains l'excellente traduction
française qui vient de paraître aux éditions Mémoire d’encier.
C’est
l’histoire du grand-père américain et celle de la guerre du Vietnam dans les
années soixante, telle que le petit fils va la recueillir du récit de sa
mère. C’est la quête du grand-père américain qui fit « l’amour » (?)
à la grand-mère vietnamienne de l'auteur. Le grand-père blond de qui Ocean Vuong héritera des
gènes et qui marqueront à vie l’histoire de sa famille.
Le voilà à
moitié américain par la force du destin et à moitié vietnamien. Son style est
hybride, à son image.
Tête Première
Ne sais-tu pas ? L’amour d’une mère
néglige l’orgueil
comme le feu
néglige les cris
de ce qu’il brûle. Mon fils,
même demain
tu auras aujourd’hui. Ne sais-tu pas ?
Il y a des hommes qui touchent des seins
Comme ils toucheraient
le dessus d’un crâne. Des hommes
qui transportent des rêves
par-dessus les montagnes, les morts
sur leurs épaules.
Mais seule une mère peut marcher
Avec le poids
d’un second cœur qui bat.
La guerre, toujours la guerre qui marque, et
longtemps. À travers le temps et les pages. Dans son nom, l’Océan, l’étendue qui l’éloigne de la mer, de l'origine, du Vietnam.
…de retour en 68, à la baie d’Ha Long : le
ciel remplacé
par le feu, le ciel vers lequel seuls les morts
fixent les yeux, puisse-t-elle atteindre le
grand-père qui
baise
la jeune fermière enceinte sur la banquette
arrière de sa
jeep
d’armée
ses cheveux blonds dansant dans le vent bourré
au
napalm,…
à son cou, ce nom qu’elle pressent contre leurs
langues
pour réapprendre le mot vivre, vivre, vivre, et ne serait-ce
que pour cette raison, laisse-moi tisser ce
rayon
de la mort
comme une femme aveugle recoud un repli de peau
sur les côtes de sa fille.
…
Un poète à découvrir, à suivre.
Un poète à découvrir, à suivre.
Ciel de nuit blessé par balles de Ocean Vuong
Traduit de
l’anglais par Marc Charron
Éditions
Mémoire d’encrier, 2017
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